Ethnopsychiatrie en Haïti
Revue haïtienne de santé mentale : huit ans déjà
En avril 2010, quelques mois après la survenue de ce terrible événement, surnommé goudou goudou, une nouvelle revue était lancée : Revue haïtienne de santé mentale (RHSM). Moment insolite pourrait-on dire pour créer une revue dévouée à la compréhension de l’homme haïtien alors qu’Haïti vit une tragédie dans laquelle des milliers de personnes ont été soit tuées soit blessées, marquées à jamais dans leur corps et leur psychisme.
Le nouveau comité de rédaction de RHSM a senti le besoin de réinterroger ce projet huit ans après son lancement. Pourquoi avoir créé une revue thématique sur la santé mentale dans un pays où ces deux mots n’existent pas en créole ? Pourquoi se lancer dans une aventure risquée à la lumière de l’expérience éphémère de la revue Bulletin du Centre de psychiatrie et de neurologie Mars et Kline. Onze numéros avaient été édités au début des années 70, dont on ne retrouve plus trace. Pourquoi investir temps et énergie dans une aventure dont les risques de vivre désabusement, désintéressement et découragement sans mentionner une perte économique éventuelle sont plus élevés que leur inverse ? Pourquoi risquer à coup sûr, si on se fie aux expériences antérieures, de vivre des espoirs déçus, des blessures affectives et des ennuis financiers ?
Un geste politique
Dans un contexte comme le contexte haïtien, la création d’une revue, d’un outil de communication qui donne parole et reconnaissance tant aux intervenants qu’aux usagers, ne peut être qu’un geste politique. C’est donner existence et droit de parole à tous ceux qui se dévouent à améliorer le sort de leurs frères et soeurs en difficulté. C’est donner la possibilité de mettre à l’agenda politique la souffrance psychique vécue en silence par les usagers, enfants et adultes. C’est mettre à l’agenda du jour, sur la place publique, les souffrances des enfants affamés, éduqués à la dure à cause de la prédominance des croyances comme celles des bienfaits du châtiment corporel, de leur exploitation physique et sexuelle. C’est faire de la lutte contre la violence envers les femmes un enjeu social. C’est de remettre en cause la prédominance des hommes et de créer une société plus juste, plus égalitaire.
Créer une revue en santé mentale est le refus des valeurs sociales dominantes qui alimentent et maintiennent l’aliénation des citoyens. C’est contester les réponses actuellement données aux souffrances et besoins des citoyens. C’est contester le sort des malades mentaux incarcérés durant de nombreuses années en attente de jugement. C’est dénoncer l’état pitoyable des services psychiatriques, l’abandon des malades à leur sort. C’est refuser de laisser sans soutien les familles et réseaux sociaux de ces malades.
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SOMMAIRE
Revue haïtienne de santé mentale : huit ans déjà – p. 9
DOSSIER : L’ETHNOPSYCHIATRIE
Ronald Jean Jacques
Quelques éléments pour une ethnopsychiatrie haïtienne – p. 15
Lewis A. Clormeus
À propos de Louis Mars (1906-2000) – p. 23
Willy Apollon
Ethnopsychiatrie entre civilisations et mondialisation.
Hier encore… c’était l’ethnopsychiatrie – p. 45
Jacques Gourgue
Une folie ordinaire – p. 65
Jean-Claude Dutès
Emotional States and Acculturation Strategies of Haitian Immigrants and Haitian Americans in the United States – p. 75
Fanel Benjamin
La pratique de l’ethnopsychiatrie pour une infrastructure sanitaire plus accessible au patient haïtien – p. 83
Ronald Jean Jacques
Une hystérie collective haïtienne – p. 95
Vinson Bradley Noël et Benito Mentor
Représentation et traitement des vécus dépressifs dans des familles haïtiennes – p. 101
MOSAÏQUE
Marc-Félix Civil
De l’analyse existentielle au consentement existentiel : est-il possible de penser l’éthique du soin psychique en Haïti aujourd’hui ? – p. 113