Revue haïtienne de santé mentale : En guise d’introduction

Revue haïtienne de santé mentale : En guise d’introduction

En guise d’introduction

Ronald Jean Jacques,
président de l’Association haïtienne de psychologie

C’est un pari gagné par l’Association haïtienne de psychologie de tenirun 2e congrès et surtout de pouvoir en publier les Actes !

Avec beaucoup d’effort, de dynamisme et d’énergie, les dirigeants et certains membres de cette association socioprofessionnelle ont réussi à organiser, une fois de plus, ces assises qui ont réuni pendant trois jours plus de deux cent (200) professionnels de la santé mentale. Ils étaient psychologues (en majorité), psychiatres, philosophes, psychanalystes, médecins, éducateurs, travailleurs sociaux, infirmières, intéressés et étudiants travaillant en Haïti ou ailleurs dans le monde ; venus des universités et des organisations humanitaires et de développement pour partager, échanger et discuter de leurs idées, réflexions, pratiques et des résultats de leurs recherches sur le processus de résilience à la suite d’un traumatisme majeur.

Nous voudrions, encore une fois, souligner combien il est important, autant pour le monde académique et scientifique que pour les milieux professionnel et associatif, de pouvoir avoir des échanges et débats sur nos fondements théoriques et conceptuels, sur nos pratiques de travail et sur nos résultats de recherche. Ces espaces et ces moments ne peuvent que fructifier et renforcer les psychologues et la psychologie en Haïti. Et quand nous pouvons bénéficier de la participation à ces discussions sur la résilience de l’éminent psychiatre et psychanalyste français d’origine polonaise Boris Cyrulnik, reconnu mondialement pour ses nombreuses publications sur ce thème1; de la célèbre pédopsychiatre Marie Rose Moro, qui a contribué magistralement aux approches transculturelles dans la prise en charge des psycho traumatismes ; de la professeure émérite et psychanalyste Claudine Vacheret accompagnée d’une grande partie de l’équipe du laboratoire sur les psychopathologies cliniques de l’Université de Lyon, nous ne pouvons que nous féliciter de la haute portée et de la pertinence des réflexions qui y ont été menées.

Ce deuxième congrès de l’AHPsy a connu la grande satisfaction d’avoir mobilisé et réuni des professeurs, chercheurs, professionnels et intervenants de la santé mentale d’Haïti, du Canada, des États-Unis, de la France, de la Suisse et de plusieurs pays de la Caraïbe. En effet, c’était une des rares occasions où autant de personnalités, de ressources, d’expériences, d’énergies et de pensées pouvaient être mises ensemble pour le développement de la psychologie.

Les Actes de ce 2e congrès que nous mettons à la disposition des lecteurs aujourd’hui, témoignent de la profondeur et de la justesse des points de vue et présentations de ces différents conférenciers et panelistes; mais au-delà de l’occasion, ces Actes pourront alimenter des discussions et des débats qui ne manqueront pas de continuer nos pensées et nos raisonnements.

Les Actes, que nous présentons en deux parties, la première dans ce numéro 4 de la Revue haïtienne de santé mentale, et la deuxième dans le numéro 5 de la même revue, offrent aux lecteurs et lectrices presque une vingtaine d’articles qui vous livrent à la fois des résultats de recherche savamment menées, introduisent aux interventions de prise en charge de personnes traumatisées (bébés, adolescents et adultes) et amputées, et éclairent sur des démarches et des dynamiques individuelles et communautaires de reconstruction de la personne humaine.

Pour réaliser cet événement, nous avons pu compter sur nos deux plus fidèles sponsors, Fondasyon Kilti ak Libète (FOKAL) et la Banque de la République d’Haïti (BRH) qui ont aidé financièrement à la réalisation de ce 2e congrès de l’AHPsy, nous les en remercions vivement. Nous tenons aussi à remercier chaleureusement Yves Lecomte qui, à côté du fait qu’en tant que coéditeur, il a lu, corrigé et relu l’ensemble des textes de cet ouvrage collectif ; il nous a offert le cadre de la Revue haïtienne de santé mentale pour faciliter la publication des présents Actes. Nous ne pouvons conclure cette présentation sans remercier Dominique Gaucher, Jacqueline Baussan, Edwige Millien, Marjory Clermont-Mathieu et Bernadin Amazan les membres du comité de relecture quiont permis la publication de ces Actes.

Nous espérons, par cette brève introduction, vous avoir donné l’envie de vite parcourir les nombreuses pages de ces deux beaux ouvrages afin de lire quelques-uns des articles. Nous serons tout à fait enchantés si l’un ou l’autre de ces articles vous interpellait au point de vouloir poursuivre les discussions avec l’auteur ou avec d’autres personnes intéressées. Noter que les articles de ces Actes peuvent être lus suivant les seuls intérêts du lecteur, il n’y a donc aucun ordre de lecture.

Dans cette première partie, nous prenons plaisir à présenter l’article de la professeure Marie Rose Moro qui y traite de la prise en charge, d’après son approche transculturelle, des bébés et des tout jeunes enfants, et fournit un modèle de compréhension, d’explication et d’application pour chacun des autres articles présentés dans ces Actes.

Nous regroupons sous le titre « RECREAHVI : Résilience et processus créateurs chez les enfants et adolescents haïtiens suite aux catastrophes naturelles » (du nom d’une recherche financée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) en France, et qui avait mis ensemble pendant ces quatre dernières années des chercheurs de l’Université d’État d’Haïti, de l’Université de Lyon et de l’Université Paris 13). Les différentes dynamiques, méthodologies, principaux résultats et contributions majeures de cette recherche ont été décrits dans diverses contributions, dont pas moins de trois articles sont présentés par différents collaborateurs (Marjory Clermont-Mathieu (UEH), Ronald Jean Jacques (UEH) et Jude Mary Cenat (Université de Lyon), dans ce numéro. Nous regrettons les présentations de plusieurs autres chercheurs de l’Université de Lyon qui ne sont jamais parvenus aux coéditeurs pour leur publication dans ces Actes.

Nous prenons également plaisir à vous présenter dans une autre sous-section intitulée Résilience et intervention, différents articles qui abordent en profondeur cette thématique. Gilbert et al. explicitent en détails une recherche-action nouvellement entamée (décembre 2013) sur les « perspectives sur la résilience… collective : créer un réseau communautaire en santé mentale à Grand Goâve ». Cette recherche est financée par Grands Défis Canada. De son côté, aussi à Grand Goâve, Magalie Benoit étudie « la perception des agents de changement du milieu (ACM) sur les problèmes psychosociaux prioritaires ». Comme dans les premiers Actes (Revue haïtienne de santé mentale, no 3), la professeure suisse Chantal Junker-Tschopp et sa petite équipe présentent dans un article fort instructif l’expérience d’intervention menée depuis octobre 2013 à travers le « CERPA : Centre de prise en charge des personnes amputées » dans ses positionnements théoriques et empiriques, les choix méthodologiques, les principales applications cliniques et les premiers résultats intéressants.

Au cours de ce 2e congrès, l’Association haïtienne de psychologie avait, avec beaucoup de plaisir, organisé une session de présentation étudiante qui avait étonné et surpris plusieurs professionnels et chercheurs présents. Nous rapportons avec autant de plaisir dans cette section deux de ces présentations : « Le Rap Kréyol comme lieu de vie des adolescents après le séisme de 2010 » (Bradley Noël et Lesly Pierre) ; « Développement du pouvoir d’agir d’un groupe de femmes face à la violence à Cité Soleil » (Clifford Marseille et Marie Gaby Dejean).


  1. Malheureusement, nous ne pourrons pas, dans ces Actes, présenter la brillante communication de Boris Cyrulnik, qui par les contraintes de son plan d’écriture, nous a promis ses idées éclairantes dans son prochain ouvrage